- 讲师:刘萍萍 / 谢楠
- 课时:160h
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MIRABEAU.
Julien trouva le marquis furieux: pour la première fois de sa vie, peut-être, ce seigneur fut de mauvais ton; il accabla
Julien de toutes les injures qui lui vinrent à la bouche.
Notre héros fut étonné, impatienté, mais sa reconnaissance n'en fut point ébranlée. Que de beaux projets depuis longtemps chéris au fond de sa pensée le pauvre homme voit crouler en un instant! Mais je lui dois de lui répondre, mon silence augmenterait sa colère. La réponse fut fournie par le r?le de Tartufe.
- Je ne suis pas un ange... Je vous ai bien servi, vousm'avez payé avec générosité... J'étais reconnaissant, mais j'ai vingt-deux ans... Dans cette maison, ma pensée n'était comprise que de vous, et de cette personne aimable... - Monstre! s'écria le marquis. Aimable! aimable! Le jour où vous l'avez trouvée aimable, vous deviez fuir. - Je l'ai tenté; alors, je vous demandai de partir pour le Languedoc.
Las de se promener avec fureur, le marquis, dompté par la douleur, se jeta dans un fauteuil; Julien l'entendit se dire à demi-voix: Ce n'est point là un méchant homme. - Non, je ne le suis pas pour vous, s'écria Julien en tombant à ses genoux. Mais il eut une honte extrême de ce mouvement, et se releva bien vite.
Le marquis était réellement égaré. A la vue de ce mouvement il recommen?a à l'accabler d'injures atroces et dignes d'un cocher de fiacre. La nouveauté de ces jurons était peut-être une distraction.
- Quoi! ma fille s'appellera Mme Sorel! quoi! ma fille nesera pas duchesse! Toutes les fois que ces deux idées se présentaient aussi nettement, M. de La Mole était torturé et les mouvements de son ame n'étaient plus volontaires. Julien craignit d'être battu.
Dans les intervalles lucides, et lorsque le marquis commen?ait à s'accoutumer à son malheur, il adressait à Julien des reproches assez raisonnables:
- Il fallait fuir, monsieur, lui disait-il... Votre devoir étaitde fuir... Vous êtes le dernier des hommes...
Julien s'approcha de la table et écrivit:
?Depuis longtemps la vie m'est insupportable, j'y mets un terme. Je prie monsieur le marquis d'agréer, avec l'expression d'une reconnaissance sans bornes, mes excuses de l'embarras que ma mort dans son h?tel peut causer.?
- Que monsieur le marquis daigne parcourir ce papier...Tuez-moi, dit Julien, ou faites-moi tuer par votre valet de chambre. Il est une heure du matin, je vais me promener au jardin vers le mur du fond.
- Allez à tous les diables, lui cria le marquis comme il s'enallait.
- Je comprends, pensa Julien; il ne serait pas faché de mevoir épargner la fa?on de ma mort à son valet de chambre... Qu'il me tue, à la bonne heure, c'est une satisfaction que je lui offre... Mais, parbleu, j'aime la vie... Je me dois à mon fils.
Cette idée, qui pour la première fois paraissait aussi nettement à son imagination, l'occupa tout entier après les premières minutes de promenade données au sentiment du danger.
Cet intérêt si nouveau en fit un être prudent. Il me faut des conseils pour me conduire avec cet homme fougueux... Il n'a aucune raison, il est capable de tout. Fouqué est trop éloigné, d'ailleurs il ne comprendrait pas les sentiments d'un coeur tel que celui du marquis.
Le comte Altamira... Suis-je s?r d'un silence éternel? Il ne faut pas que ma demande de conseils soit une action, et complique ma position. Hélas! il ne me reste que le sombre abbé Pirard... Son esprit est rétréci par le jansénisme... Un coquin de jésuite conna?trait le monde, et serait mieux mon fait... M. Pirard est capable de me battre, au seul énoncé du crime.
Le génie de Tartufe vint au secours de Julien: Eh bien, j'irai me confesser à lui. Telle fut la dernière résolution qu'il prit au jardin après s'être promené deux grandes heures. Il ne pensait plus qu'il pouvait être surpris par un coup de fusil; le sommeil le gagnait.
Le lendemain, de très grand matin, Julien était à plusieurs lieues de Paris, frappant à la porte du sévère janséniste. Il trouva, à son grand étonnement, qu'il n'était point trop surpris de sa confidence.
- J'ai peut-être des reproches à me faire, se disait l'abbéplus soucieux qu'irrité. J'avais cru deviner cet amour. Mon amitié pour vous, petit malheureux, m'a empêché d'avertir le père...
- Que va-t-il faire? lui dit vivement Julien.
(Il aimait l'abbé en ce moment, et une scène lui e?t été fort pénible.)
- Je vois trois partis, continua Julien: 1° M. de La Mole peut me faire donner la mort; et il raconta la lettre de suicide qu'il avait laissée au marquis; 2° Me faire tirer au blanc par le comte Norbert, qui me demanderait un duel. - Vous accepteriez? dit l'abbé furieux, et se levant.
- Vous ne me laissez pas achever. Certainement je netirerais jamais sur le fils de mon bienfaiteur.
3° Il peut m'éloigner. S'il me dit: Allez à Edimbourg, à New-York, j'obéirai. Alors on peut cacher la position de Mlle de La Mole; mais je ne souffrirai point qu'on supprime mon fils.
- Ce sera là, n'en doutez point, la première idée de cethomme corrompu...
A Paris, Mathilde était au désespoir. Elle avait vu son père vers les sept h eures. Il lui avait montré la lettre de Julien, elle tremblait qu'il n'e?t trouvé noble de mettre fin à sa vie: Et sans ma permission? se disait-elle avec une douleur qui était de la colère.
- S'il est mort, je mourrai, dit-elle à son père. C'est vous qui serez cause de sa mort... Vous vous en réjouirez peutêtre... Mais je le jure à ses manes, d'abord je prendrai le deuil, et serai publiquement Mme veuve Sorel; j'enverrai mes billets de faire-part, comptez là-dessus... Vous ne me trouverez ni pusillanime ni lache.
Son amour allait jusqu'à la folie. A son tour, M. de La Mole fut interdit.
Il commen?a à voir les événements avec quelque raison. Au déjeuner, Mathilde ne parut point. Le marquis fut délivré d'un poids immense, et surtout flatté, quand il s'aper?ut qu'elle n'avait rien dit à sa mère.
[Variante: Vers les midi Julien arriva. On entendit le pas du cheval retentir dans la cour. Julien descendit.] Julien descendait de cheval. Mathilde le fit appeler, et se jeta dans ses bras presque à la vue de sa femme de chambre. Julien ne fut pas très reconnaissant de ce transport, il sortait fort diplomate et fort calculateur de sa longue conférence avec l'abbé Pirard. Son imagination était éteinte par le calcul des possibles. Mathilde, les larmes aux yeux, lui apprit qu'elle avait vu sa lettre de suicide. -Mon père peut se raviser; faites-moi le plaisir de partir à l'instant même pour Villequier. Remontez à cheval, sortez de l'h?tel avant qu'on ne se lève de table.
Comme Julien ne quittait point l'air étonné et froid, elle eut un accès de larmes.
- Laisse-moi conduire nos affaires, s'écria-t-elle avectransport, et en le serrant dans ses bras. Tu sais bien que ce n'est pas volontairement que je me sépare de toi. Ecris sous le couvert de ma femme de chambre, que l'adresse soit d'une main étrangère, moi je t'écrirai des volumes. Adieu! fuis.
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